Les derniers chiffres livrés par l’INSEE sont sans appel : l’inflation fait son retour en France en 2018. Plus alarmant encore, la tendance risque de s’accentuer en 2019. Si elle est encore assez faible -autour de 2,3% par an- les analystes économiques la surveillent de très près. Mais pourquoi une telle vigilance vis-à-vis d’un tel chiffre ?

L’inflation est une augmentation durable du niveau des prix au cours du temps. Quand il y a inflation dans une économie, cela veut dire que je dois dépenser plus d’unités monétaires qu’avant pour acheter un même produit. Bien qu’on ait pu observer ce phénomène dès l’Antiquité, les économistes ne parviennent pas à former des modèles prévisionnels exacts de l’inflation. Cependant, certaines théories expliquant l’inflation font consensus au sein du monde de l’économie. L’inflation étant un phénomène de prix, elle émane inévitablement du marché et de la confrontation entre l’offre et la demande. Ainsi une augmentation de la demande d’un bien entraine automatiquement une augmentation du prix de ce bien. Si on généralise ce mécanisme a l’ensemble des biens, on obtient de l’inflation. L’augmentation des couts est elle aussi vecteur d’inflation : si les couts de production augmentent, les entreprises vont avoir tendance à augmenter leur prix de vente. Quand le prix d’un bien crucial à notre économie augmente, les couts de production augmentent pour toutes les entreprises générant de l’inflation. C’est ce qu’il s’est passé en France à la suite des chocs pétroliers de 1971 et 1979. Le prix du pétrole a augmenté brusquement et l’inflation a dépassé les 10% par an pendant presque une décennie.

D’autre part, l’inflation est d’autant plus importante qu’il existe des rigidités dans l’économie. Ainsi Favreau montre que les rigidités du marché du travail sont source d’inflation. En effet, les salariés par leur organisation en syndicats ont un certain pouvoir sur le niveau leur salaire. Ils peuvent faire pression pour obtenir un salaire supérieur à celui fixé sur marché du travail. Cela fait augmenter les couts de production des entreprises et entraine donc de l’inflation. Les institutions sont elles aussi une autre source de rigidités et donc d’inflation comme le montrent les économistes Piore et Samuelson. Par leur manque d’organisation interne les firmes vont elles aussi être vecteurs d’inflation. En effet si une entreprise n’est pas assez efficiente (ne parvient pas à manager ses salariés correctement ou à organiser la production de manière optimale), ses coûts de production vont augmenter et l’on retrouve ici une inflation par les coûts de production.

A la lumière de ces explications, l’inflation semble être inhérente à l’activité économique : elle vient directement de marché et des rigidités de l’économie. Pourquoi donc en avoir peur ? Ce qui effraie les économistes, ce n’est pas l’inflation en elle-même, ils la jugent même souhaitable dans une certaine mesure (la BCE s’est fixé comme objectif une inflation autour de 2%). Cependant ils la surveillent de près car l’inflation est un phénomène cumulatif : l’inflation entraine toujours plus d’inflation. Face à une hausse des prix les travailleurs vont demander des augmentations de salaire qui vont entrainer une augmentation générale des coûts pour les entreprises et donc une augmentation des prix et ainsi de suite. A partir d’un certain niveau d’inflation, on entre donc dans une spirale inflationniste dangereuse pour la stabilité de l’économie. Dans les cas les plus extrêmes cette inflation peut anéantir l’économie du pays touché. Ainsi à la sortie de la Première Guerre mondiale l’Allemagne a connu une période d’hyperinflation : ce qui coutait un mark en 1919 en coutait plusieurs centaines de milliards en 1923. L’économie allemande n’a pas tenu le choc et le pays a sombré dans une crise économique puis politique. On surveille l’inflation pour éviter la faillite du pays. En effet si comme en Allemagne ce qui coute un certain prix en coute le double lendemain, comment organiser la production et l’investissement ?

Mais simplement surveiller l’inflation n’est pas suffisant, il faut aussi être capable de la juguler. Pour cela la principale arme dont disposent les instances dirigeantes est la politique monétaire. Les banques centrales en décidant de celle-ci, contrôlent la quantité de monnaie en circulation dans l’économie. En menant une politique monétaire restrictive elles peuvent donc limiter l’inflation. Et inversement, elles peuvent l’encourager en menant une politique plus souple. L’inflation observée en France est d’ailleurs analysée comme la conséquence des politiques monétaires extrêmement souples que la Banque centrale européenne a mis en place depuis 2008 dans le but de faire sortir l’UE de la crise.

Face à ce retour de l’inflation, les dirigeants de la BCE vont donc sans doute décider de repasser à des politiques monétaires plus contraignantes.