Les inégalités minent le tissu social et créent un fort ressentiment parmi les individus en bas de l’échelle. Il revient aux Etats, d’un côté, de mettre en place des amortisseurs sociaux ; de l’autre, de donner à chacun les moyens de prospérer pour atténuer ces inégalités. Reste que cette politique doit se fonder sur des indicateurs fiables. Cet article vous propose donc un petit tour d’horizon des différentes méthodes de calcul des inégalités !

  1. Le rapport interdécile

Cette méthode consiste d’abord à couper la population en tranches de 10%, afin d’obtenir des « déciles ».

Le premier décile (D1) des salaires correspond, par exemple, au niveau de salaire pour lequel 10% de la population touche moins (et donc 90% touche plus) ; le neuvième décile (D9) est égal au montant pour lequel 90% touche moins (et donc 10% touche plus).

Le rapport interdécile, égal à D9/D1, rapporte donc le niveau de revenu minimum des 10% les plus riches au revenu maximum des 10% les plus pauvres d’une population donnée. Plus ce rapport est élevé, plus les inégalités sont fortes. En France, selon l’observatoire des inégalités de l’INSEE, le rapport interdécile est passé de 4,6 à 3,5 entre 1970 et aujourd’hui. Dans le détail, on observe une baisse des inégalités jusqu’aux années 1990, une relative stagnation jusqu’au milieu des années 2000, avant une légère augmentation, à la faveur de la crise de 2008. Selon cet indicateur, les inégalités sont bien plus criantes au sein d’autres grands pays occidentaux : en 2010, il s’établit à 5,9 aux Etats-Unis, 4,2 au Royaume-Uni et 4 en Allemagne.

Cette méthode, bien qu’assez imprécise, a le mérite de la simplicité.

  1. L’écart interdécile

Le rapport interdécile nous fournit un écart relatif, mais ne dit rien sur les inégalités de revenus absolues (différence en euros entre les revenus des plus riches et des plus pauvres). Illustrons cette limite de la façon suivante :

1er cas : si D1=1000 € et D9=10000 €, alors D9/D1=10

2ème cas : si D1=10000 et D9=100000, alors D9/D1=10

Le rapport interdécile est le même. Pourtant, dans le deuxième cas, les plus riches gagnent beaucoup plus que les plus pauvres. L’écart interdécile, outil largement ignoré, permet de palier ce problème. En cela, il est complémentaire de l’écart interdécile.

Ces deux premiers indicateurs manquent de précision, car, à chaque fois, seul le niveau de revenu à deux points précis est considéré, sans prendre en compte les revenus dans le reste de la population. Cela conduit, par exemple, à conclure à un niveau d’inégalité stable (D9 et D1 restent inchangés), dans le cas où les 1% les plus riches voient leurs revenus progresser.

  1. Le coefficient de Gini

Le coefficient – ou indice – de Gini, porte le nom du statisticien et démographe italien Corrado Gini (1884-1965). Il se calcule par rapport à la fonction qui associe à chaque part de la population, classé par ordre croissant, la part que représente ses revenus. Cette fonction a pour représentation graphique la courbe de Lorenz (cf infra), dont l’abscisse correspond à la part cumulée de la population et l’ordonnée à part cumulée des revenus détenus. Une bissectrice représente donc une égalité parfaite. Plus la courbe s’éloigne de celle-ci, plus les inégalités sont fortes.

Le calcul du coefficient de Gini est complexe, mais se base sur l’écart entre la courbe de Lorenz (en bleu) et la bissectrice (en noir).

Ce coefficient varie de 0 à 1 : 0 signifie une égalité parfaite, 1 correspond à une inégalité totale (une seule personne dispose de tous les revenus).

Bien que plus complexe à calculer – car nécessitant de connaître précisément la distribution de revenus, ce qui n’est pas le cas dans de nombreux pays – il est d’évidence plus précis que les deux précédents indicateurs. C’est l’indicateur le plus répandu dans les statistiques internationales.

Mais ce coefficient a l’inconvénient de ne pas tenir compte de la répartition des revenus. Il s’établit, par exemple, à 0,5 dans les deux cas suivants : si 50% de la population n’a pas de revenu et l’autre moitié a les mêmes revenus ; si, d’une part, 75% de la population se partage de manière identique 25% du revenu et, d’autre part, le quart restant se partage à l’identique le 75% restant. Les inégalités sont pourtant bien plus criantes dans le premier cas. Le coefficient de Gini ne fait, par ailleurs, pas la différence entre une inégalité dans les bas revenus et une inégalité dans les hauts revenus.

  1. L’indice d’Atkinson

Cet indicateur, très peu utilisé, est encore plus complet (son calcul en est donc complexifié). En plus du coefficient de Gini, il prend en compte une différence dans la répartition des revenus dans les plus bas par rapport à celle dans les plus hauts. Il considère aussi l’importance que le pays étudié attribue à l’inégalité.