S’il y a bien un phénomène économique et financier que tous les professionnels et étudiants des grandes familles de l’économie et de la gestion connaissent, c’est l’effet de levier. Ce mécanisme, parfois synonyme de démesure dans l’imaginaire collectif, est si bien connu, c’est parce qu’il est au cœur du capitalisme moderne. Un Professeur m’a même dit un jour que le capitalisme pouvait se résumer à ce seul effet de levier. Il a participé à forger la fortune des familles riches de la révolution industrielle, a permis le développement des entreprises, des États et d’un système bancaire puissant.

Qu’est-ce que l’effet de levier ? Quels sont donc les avantages et inconvénients de ce mécanisme ?

1. Les joies de l’effet de levier…

L’effet de levier décrit la façon dont une personne ou une entreprise peut s’enrichir sans posséder l’argent nécessaire. Cette seule définition permet de sentir l’intérêt de la chose… Concrètement, il consiste à s’endetter pour réaliser un investissement. Si son rendement est supérieur à l’intérêt de l’emprunt, cet investissement s’auto-finance et vous permet de vous enrichir sans avoir l’argent nécessaire initialement.

Explorons son fonctionnement plus en détail au moyen d’un exemple. Vous voilà dirigeant d’une entreprise. Vous souhaitez acquérir une machine au prix de 100, mais ne disposez que de 10 en trésorerie. Votre réflexe sera probablement de vous tourner vers votre banquier pour emprunter les 90 qui vous manquent. Imaginons que le banquier accepte et vous prête avec un taux d’intérêt annuel de 5%. Vous aurez alors en votre possession les 100 nécessaires à votre investissement dans une nouvelle machine.

Après avoir réalisé votre achat et mis en service votre machine, votre gain d’efficacité vous offre un profit annuel de 10% de sa valeur d’achat. Votre machine vous rapportera donc 10 tous les ans. Vous devrez à la banque 5 pour payer les intérêts de votre emprunt. Dans l’opération, vous aurez donc gagné le reste, soit 5. Les rendements de la machine ont donc permis de payer votre emprunt, et même de rapporter de l’argent à votre entreprise. Une fois que vous aurez remboursé totalement l’emprunt, votre richesse sera passée de 10 à au moins 100 ! Puisqu’il s’agit d’une multiplication par 10 de la somme initiale, on parle d’effet de levier de 10.

Ce mécanisme, bien connu des spécialistes de la finance d’entreprise, est également employé des praticiens de la finance de marché. Ce raisonnement peut être transposé à une action, dont la détention permet de recevoir des dividendes, ou une obligation, qui permet de recevoir un intérêt. Vous pouvez emprunter à un taux d’intérêt déterminé pour les acheter[1]. Si leur rendement est supérieur au taux d’intérêt, vous vous enrichirez exactement de la même façon.

2. … Et les dangers de l’effet de massue

Au grand jeu de l’effet de levier, tout le monde n’est pas gagnant. De la même manière que le Père Noël a le Père Fouettard pour alter ego maléfique, l’effet de levier peut céder sa place à l’effet de massue. Un rendement mal estimé, une vision trop optimiste d’un projet ou la conjoncture qui se dégrade et la magie du capitalisme devient le cauchemar de l’investisseur !

Détaillons cet effet de massue en reprenant l’exemple précédent. Vous pensez que la machine vous apportera un profit de 10% et vous empruntez 90 au taux annuel de 5%. Cependant, une hausse du prix des matières premières réduit sérieusement le profit tiré de votre investissement : il n’est plus que de 3%… Il ne permet plus de payer votre acquisition ! Vous allez devoir puiser dans votre trésorerie pour payer votre dette de 90. Cependant, votre trésorerie n’est que de 10. Très rapidement, vous ne pourrez pas faire face à votre emprunt et les difficultés commencent pour votre entreprise. Plus le niveau de levier employé est élevé, plus votre endettement sera important : vous avez ici une dette qui vaut 9 fois votre trésorerie !

L’effet de levier a donc permis un formidable développement économique, mais présente des dangers à l’importance croissante à mesure que vous augmentez le levier auquel vous avez recours.

 

[1] Sur Euronext, qui exploite la bourse de Paris, on appelle ce service le SRD : service de règlement différé.