Longtemps, l’espace est resté l’apanage des gouvernements. Construire une fusée[1] (voire une navette), installer les infrastructures nécessaires à un lancement, puis la placer en orbite nécessitaient des moyens si élevés, qu’ils restaient hors du champ des possibles pour une entreprise. C’était sans compter sur un certain Elon Musk. Ce spécialiste de la physique énergétique, né en Afrique du sud, immigré au Canada puis au États-Unis, sort de la réussite de Paypal. En 2004, il entre au capital de Tesla Motors et crée SpaceX. Aujourd’hui, presque quinze ans plus tard, l’entrepreneur a placé la planète Mars dans son viseur. Il entend bien lancer des vols habités vers la planète rouge à partir des années 2020.

Derrière ces objectifs ambitieux, quelle est la stratégie de SpaceX ? Comment sont-ils devenus un des leaders de l’industrie spatiale ? Quels avantages auraient-ils à atteindre Mars ?

1. SpaceX : de start-up à acteur majeur de l’industrie spatiale

SpaceX a pour principales activités le lancement de satellites en orbite et l’approvisionnement de la station spatiale internationale. Dans le premier cas, elle conclut des contrats avec des acteurs privés, par exemple pour lancer un satellite d’un opérateur de télécommunications, ou avec des États, plus spécialement avec les États-Unis. En effet, SpaceX a conclu plusieurs contrats avec le Gouvernement américain pour lancer des satellites, notamment des satellites dont l’objectif demeure secret[2]. Le second type d’activité principale est l’approvisionnement de la station spatiale. Pour cela, SpaceX emploie ses navettes cargo pour apporter du matériel et des vivres aux astronautes en orbite. Là encore, c’est le Gouvernement américain qui est le principal interlocuteur de la firme. L’importance des États-Unis en tant que client s’explique d’abord par le coût modique d’un lancement par SpaceX, en comparaison des missions classiques de la Nasa. Ensuite, on peut entrevoir la volonté de travailler avec une entreprise américaine plutôt qu’avec des concurrents étrangers, comme l’européen Arianespace.

Si SpaceX a réussi à tant réduire ses coûts, c’est grâce à ses activités de R&D et de construction de lanceurs. En effet, l’entreprise produit elle-même ses moteurs et système d’atterrissage. Ces efforts lui ont permis d’être une des premières entreprises à pouvoir faire atterrir un lanceur déjà utilisé pour un premier lancement[3]. C’est une grande avancée : traditionnellement les lanceurs employés dans un lancement s’écrasent après avoir consommé tout leur carburant. SpaceX parvient à les faire atterrir sur une barge en mer ou au sol. Les réutiliser évite d’avoir à produire un nouveau lanceur à chaque mission : d’énormes économies sont à la clé. Ces économies permettront d’augmenter la fréquence des lancements, donc de créer un flux de transit entre l’espace et la Terre.

Toutes ces avancées sont essentielles au projet d’Elon Musk : coloniser Mars.

2. D’acteur majeur de l’industrie spatiale à premier colonisateur de Mars ?

Ça fait quelques années que le projet fou d’Elon Musk, la colonisation de Mars, n’est plus un secret. Il conçoit en cela un projet permettant à l’Humanité de survivre en cas de catastrophe majeure. Cependant, un tel engagement ne serait pas sans intérêt d’un point de vue économique et commercial. En effet, coloniser la planète rouge signifie également en exploiter les ressources. Et quelles ressources ! Mars est d’abord très riche en eau, piégée sous la surface sous forme de glace. Sa collecte permettrait d’abord d’assurer les besoins des colons. Cependant, leur faible nombre initial permettrait d’en exporter la majeure partie vers la Terre, dont les réserves d’eau potable sont très limitées. Certains scientifiques pensent même pouvoir utiliser cette eau pour faire fonctionner les moteurs de navettes spatiales. Mars pourrait alors devenir une base de ravitaillement dans la conquête de l’espace.

L’autre ressource exploitable réside dans les minéraux que l’on retrouve en masse sur la planète rouge. Certains États, tels que le Luxembourg ou les États-Unis, ont déjà publié des normes juridiques régissant l’exploitation des ressources spatiales : le filon est déjà dans l’esprit des dirigeants. La collecte de métaux rares sur les astéroïdes est une première possibilité. Elle pose cependant des difficultés logistiques du fait de leurs déplacements. Où raffiner les ressources ? comment les rapatrier dans cette zone de traitement ? Mars règle ces difficultés : on peut exploiter et raffiner les métaux au même endroit. SpaceX pourrait ensuite les transporter pour les vendre sur Terre. Vous les retrouveriez notamment dans vos smartphones et ordinateurs.

Le décollage rapide de SpaceX semble donc destiné à poursuivre une trajectoire accélérée. Demeure un « si » majeur : tout cela continuera à ce rythme si Elon Musk réussit à coloniser Mars. Le cas contraire ne serait pas aussi optimiste, mais demeure intéressant : SpaceX demeure un champion de la réduction des coûts du spatial.

[1] Les spécialistes du métier parlent de lanceurs.

[2] Des lancements qui ne se passent d’ailleurs pas toujours comme prévu. Le satellite Zuma a ainsi été perdu en janvier 2018.

[3] C’est une autre entreprise américaine qui a réalisé la grande première : Blue Origin, la société spatiale d’un certain Jeff Bezos, patron d’Amazon…