Lorsque les États veulent intervenir dans l’économie, ils ont deux leviers principaux. Le premier est leur politique budgétaire, par laquelle ils décident de leurs dépenses et des impôts. Le second est la politique monétaire, qui affecte la monnaie qui a cours légal au sein de cet État. En la matière, le bras armé des nations est la banque centrale. Depuis quelques années, il est impossible d’ouvrir un journal, un site web ou d’écouter une radio économique sans en entendre parler. Leur omniprésence montre à quel point ce sont des acteurs majeurs. Il existe une banque centrale majeure par État[1]. Par exemple, la Banque centrale des États-Unis est la Federal Reserve, tandis que la banque centrale des États de la zone euro est la Banque centrale européenne (BCE).

À quoi sert une banque centrale ? Comment remplit-elle sa fonction ?

1. Une fonction de stabilisation de l’inflation

Tant aux États-Unis qu’en Europe, les banques centrales ont pour fonction première de limiter l’inflation. Les textes juridiques qui les régissent les obligent à la limiter à environ 2% par an. L’inflation se définit comme une hausse généralisée des prix. Ainsi, lorsqu’un pays connaît une inflation annuelle de 2%, cela signifie qu’en moyenne, la valeur des biens a augmenté de 2% entre l’année précédent et la date actuelle. Si on prend l’exemple d’un bien alimentaire, tel qu’un paquet de pâtes ayant une valeur de 2€ à l’année N, sa valeur à l’année N+1 sera de 2,04€.

L’inflation peut avoir de multiples causes. Il peut s’agir d’une conséquence des lois de l’offre et de la demande : une hausse de la demande, sans hausse de l’offre en parallèle, entraîne mécaniquement une hausse du prix. Il peut s’agir d’une hausse des coûts de production. Par exemple, si le prix du carburant augmente, il sera plus cher de livrer le paquet de pâtes de notre exemple précédent entre son lieu de production et son lieu de vente. Ce coût supplémentaire est impacté sur le prix final. Enfin, la cause qui nous intéresse le plus ici est une baisse de la valeur de la monnaie. En la matière, la théorie quantitative de la monnaie nous explique que la valeur de la monnaie est directement liée à la quantité de monnaie en circulation. Plus cette quantité est importante, plus la valeur de la monnaie est faible.

Dès lors que les quantités de monnaie sont en jeu, on rentre dans le domaine de compétence des banques centrales. Quels instruments ont-elles à disposition pour agir sur la quantité de monnaie en circulation ?

2. Les leviers à la disposition des banques centrales

Les banques centrales disposent de prérogatives qui leur permettent d’agir sur la quantité de monnaie en circulation, donc sur l’inflation. Si elles réduisent la quantité de monnaie, sa valeur va augmenter. Les prix vont alors diminuer, car chaque unité de monnaie aura plus de valeur qu’antérieurement. Inversement, si elles augmentent cette quantité, la valeur de la monnaie va diminuer. Les prix vont alors augmenter, car chaque unité de monnaie aura une valeur plus faible qu’antérieurement[2].

Afin de modifier les quantités de monnaie, les banques centrales disposent de trois leviers principaux que sont les taux d’intérêt. Elles les emploient pour contraindre les banques à émettre une certaine quantité de monnaie[3]. Le premier et le plus important de ces taux est le taux de refinancement. C’est le taux auquel les banques commerciales peuvent emprunter de l’argent à la banque centrale. Elles pourront ensuite prêter cet argent à des particuliers ou à des entreprises. Pour gagner de l’argent, la banque commerciale doit prêter cet argent à un taux d’intérêt supérieur au taux de refinancement. Prenons un exemple : une banque emprunte 100 euros à la banque centrale à un taux annuel de 1%. Cet argent est immédiatement prêté à une entreprise via une obligation dont le taux annuel est de 3%. À la fin de l’année, la banque percevra 3 euros, correspondant aux 3% d’intérêt de l’obligation. Elle paiera l’intérêt de 1%, soit 1 euro, qu’elle doit à la banque centrale. La différence de 2 euros correspondra à son bénéfice.

Si le taux de refinancement augmente, les banques commerciales devront prêter à des taux supérieurs pour conserver leurs marges. Elles ne pourront alors prêter qu’à un nombre plus restreint de particuliers et d’entreprises, capables de payer un intérêt plus fort. La quantité d’argent prêtée se réduit, donc l’argent en circulation se réduit : il y a moins de monnaie, donc sa valeur augmente. On limite l’inflation. Si on baisse le taux de refinancement, un mécanisme inverse se produit : la quantité de monnaie en circulation augmente, donc la valeur de la monnaie diminue. On crée de l’inflation.

Le deuxième taux directeur est le taux de rémunération des dépôts. C’est le taux auquel les banques peuvent déposer leurs liquidités excédentaires auprès des banques centrales. Si ce taux est fort, les banques seront tentées de placer leur argent auprès des banques centrales. Il ne sera pas en circulation, donc la quantité de monnaie sera limitée. Sa valeur n’augmentera pas : on limitera l’inflation. Si ce taux est bas, les banques auront plutôt intérêt à prêter cet argent ou le placer sur les marchés : la quantité de monnaie en circulation augmente, sa valeur diminue. On crée ainsi de l’inflation.

Le troisième et dernier taux directeur est le taux du prêt marginal[4]. C’est le taux auquel une banque commerciale peut obtenir de l’argent immédiatement et pour une durée très courte auprès de la banque centrale. Là encore, sa hausse réduit la quantité de monnaie en circulation, donc l’inflation. Sa baisse augmente cette quantité, donc stimule l’inflation.

Les banques centrales agissent donc sur l’inflation en modulant la quantité de monnaie en circulation. Ces dernières années, des politiques de taux bas, voire très bas, ont été appliquées par les banques centrales. Le retour récent de l’inflation, notamment aux États-Unis, a conduit la Federal Reserve à envisager une hausse des taux d’intérêt. Cette décision a eu un effet immédiat sur les marchés financiers, effet que nous expliquerons dans un autre article…

[1] Lorsque l’État en question est un État fédéral, comme aux États-Unis, on peut retrouver une banque centrale par État fédéré et une banque centrale qui les chapeaute toutes. De même, la Banque centrale européenne chapeaute les banques centrales de chaque État de la zone euro.

[2] Il faut admettre que même si un euro reste un euro d’une année sur l’autre, sa valeur intrinsèque peut varier. Par analogie, une pomme reste une pomme d’une année sur l’autre. Cependant, sa valeur peut évoluer.

[3] En effet, ce sont les banques commerciales, telles que la Société Générale ou le Crédit Agricole, qui émettent l’essentiel de la monnaie. Elles le font sous la forme de monnaie scripturale : c’est la monnaie que vous retrouvez sur votre compte courant et que vous ne retirez pas en billets, ou la monnaie que la banque vous transfère lorsque vous souscrivez un emprunt.

[4] On l’appelle taux d’escompte aux États-Unis.