Le 26 février dernier, le Premier ministre a présenté un panel de réformes visant à redresser la situation critique de la SNCF. Partant du double constat que « les Français, qu’ils prennent ou non le train, payent de plus en plus cher pour un service public qui marche de moins en moins bien » et que « faire rouler un train en France coûte 30% plus cher qu’ailleurs en Europe », Edouard Philippe a affirmé vouloir réformer cette entreprise publique au plus vite.

La SNCF en bref

Nom complet : Société nationale des chemins de fer français

Forme juridique : EPIC (Etablissement public à caractère industriel et commercial en France), personne morale de droit public ayant pour but la gestion d’une activité de service public

A l’origine « Société anonyme d’économie mixte », SEM (détenue à 51% par l’Etat et 49% par les actionnaires des sociétés financières ayant succédé aux anciennes compagnies), SNCF est aujourd’hui détenue à 100% par l’Etat (à travers l’APE, l’agence de participations de l’Etat).

PDG : Guillaume Pepy

Effectif : 260 000 employés

Longueur des lignes : Environ 30 000 km

Filiales : SNCF Réseau (propriétaire et principal gestionnaire du réseau ferré national français), SNCF Mobilités (en charge de l’exploitation des trains de voyageurs et de marchandises en France), SNCF Participations (société portefeuille qui fédère la totalité des 657 filiales et participations de la SNCF)

Chiffre d’affaires : 33, 5 milliards d’euros (2017)

Dette de SNCF Réseau : 45 milliards d’euros (croissance annuelle de 3 milliards)

Les propositions du gouvernement

Tout part du rapport Spinetta, du nom de l’ancien PDG d’Air France KLM. Ce dernier propose en 43 mesures chocs de réformer un service public aux abois. C’est à partir de ce travail que le gouvernement a annoncé fin février la manière dont il entendait procéder pour transformer la SNCF.

  • Ce que le gouvernement ne fera pas

Pas touche aux petites lignes

Jean-Cyril Spinetta préconisait la fermeture de 9000 km de lignes régionales (dites « petites lignes »), représentant près d’un tiers du réseau, dont le coût annuel de 2 milliards était jugé disproportionné au regard de leurs utilisations (2% des voyageurs). Sur ce point, Edouard Philippe a annoncé qu’il ne suivra pas le rapport : « On ne décide pas la fermeture de 9000 km de lignes depuis Paris sur des critères administratifs et comptables. Dans bien des territoires, le rail est au cœur de la stratégie des régions pour le développement des mobilités ».

Pas de privatisation

Sur le statut de l’entreprise, Edouard Philippe écarte l’idée du rapport Spinetta de transformer la SNCF en société anonyme*1. En revanche, comme le préconisait l’ancien patron d’Air France, Matignon a bien l’intention de transformer le statut de l’entreprise, « en société nationale à capitaux publics»*2. Une manière d’ouvrir la possibilité d’investissements venant du privé tout en ne faisant plus bénéficier automatiquement à la SNCF d’une garantie illimitée de l’Etat dans son financement. Pour autant, ce nouveau statut « ne prépare pas, selon Matignon, la privatisation de la SNCF […] puisque l’Etat y détiendrait des titres incessibles ».

  • Ce que le gouvernement compte faire

La fin des recrutements au statut de cheminot

Les cheminots travaillant actuellement à la SNCF (90% des employés de l’entreprise) conserveront ce statut dont les avantages sont les suivants : emploi à vie, augmentation de salaire chaque année, 22 dimanches chômés garantis, 28 jours de congés payés par an, gratuité des billets de train et prix réduits pour leur famille, retraite possible à partir de 50 ou 55 ans et régime spéciale de Sécurité sociale.  En revanche, il n’y aura plus de recrutement au statut, ce qui implique que les nouveaux embauchés bénéficieront « des conditions de travail de tous les Français, celles du Code de travail ». Cette mesure répond à un impératif de réduction des coûts, crucial avec l’ouverture à la concurrence, dont l’entrée en vigueur est prévue dès fin 2019, conformément au calendrier imposé par l’UE à la France pour libéraliser le secteur.

Des efforts demandés sur la dette

Une fois les réformes faites et les « coûts alignés sur les standards européens », l’Etat s’engage à racheter sinon la totalité, du moins une partie de la dette de près de 50 milliards d’euros à SNCF Réseau.

Quelle méthode pour mener à bien ses réformes ?

Pour réformer au plus vite la SNCF, le gouvernement compte bien recourir aux ordonnances (procédure accélérée pour faire voter une loi au Parlement). L’objectif : faire voter les « principes clés » de la réforme « avant l’été ». Néanmoins, le gouvernement s’engage à laisser d’ici là du temps pour la concertation avec les régions, les usagers, les entreprise et les syndicats. Le dialogue social s’annonce compliqué : la CGT, FO et l’UNSA ont déjà appelé à manifester le 22 mars !

*Forme de société de capitaux à risque limité. Elle convient aux grandes entreprises en ce qu’elle permet de lever du capital auprès de nombreux investisseurs, lesquels ne peuvent supporter des pertes qu’à concurrence de leurs apports. Ses droits sociaux prennent la forme d’actions librement cessibles, et susceptibles d’être cotées en bourse.

*La société nationale est une société de droit privé dont le capital appartient entièrement à l’Etat. Une société nationale est donc une société par actions dont l’Etat est l’unique actionnaire. Il arrive que l’Etat transforme un EPIC en société nationale puis cède des titres (privatisations partielles). Ainsi, des EPIC deviennent de simples sociétés privées dans lesquelles il investit. C’est ce que redoutent les syndicats de la SNCF. Ces dernières années, l’Etat a déjà privatisé en partie des EPIC comme EDF, GDF ou France Telecom.