Il y a une conversation que beaucoup de jeunes entrepreneurs ont déjà dû avoir : j’ai une idée géniale, mais je n’ai pas l’argent pour la développer… Alain Carpentier s’est peut-être tenu cette même réflexion. Ce brillant chirurgien cardiaque est à l’origine de ce qui sera peut-être une des révolutions médicales du XXIe siècle : le cœur artificiel.

Mais comment financer un tel projet ? Comment un innovateur peut-il passer du stade d’idée au stade de produit prêt à la vente ?

La France a quelques particularités en la matière, au point d’en faire un paradis de la recherche et développement selon certains.

1. Le financement en capital de la recherche et développement

Les entreprises innovantes sont souvent des structures en création. À ce titre, elles possèdent rarement un actif. Au mieux, il est relativement faible au regard du projet qu’elles portent. Les banques refusent donc souvent de leur prêter les sommes suffisantes. En effet, afin d’assurer leur remboursement, elles exigent souvent des sûretés de la part de la société ou des entrepreneurs[1]. Si le projet nécessite des fonds importants, comme dans le cas du cœur artificiel de Carmat, cette possibilité est généralement fermée.

Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Si ces sociétés ne peuvent être financées par la dette, elles peuvent l’être par l’apport en capital. Il est réalisé par des investisseurs spécifiques, qu’on appelle les fonds de capital investissement[2]. Ils se spécialisent dans l’investissement au sein de sociétés non cotées à différents stades de développement[3]. Au sein de Carmat, on retrouve par exemple Truffle Capital, un fonds français de capital investissement. Ces fonds investissent en capital et deviennent donc actionnaires de la société. Un autre exemple est la Banque publique d’investissement (BPI pour les intimes), qui exerce la même activité.

Enfin, le financement en capital peut se faire par l’entrée en bourse[4]. Par exemple, Carmat est entrée en bourse en 2010. À cette occasion, la société va créer de nouvelles actions, qui vont être achetées par les acteurs du secteur boursier. Le prix des ces actions va être versé au capital de la société.

Toutes ces possibilités ne sont pas spécifiques à la France. Bien qu’elles soient utiles, ce n’est pas leur existence qui a transformé la France en paradis de la recherche. Une fois n’est pas coutume, c’est notre fiscalité qui a attiré les entreprises.

2. Le crédit d’impôt recherche

La recherche et développement menée par une entreprise implique des dépenses. Il faut investir dans des locaux, du matériel, dans le salaire des chercheurs… Ces dépenses sont qualifiées de charges du point de vue fiscal : elles peuvent être déduites de l’argent gagné par l’entreprise avant le calcul des impôts. Ce système est en vigueur dans la plupart des pays du monde. La France est allée plus loin pour soutenir l’innovation : elle a créé le crédit d’impôt recherche.

Ce dispositif fiscal permet aux entreprises qui investissent dans la recherche et développement d’obtenir de l’administration le remboursement d’une partie de ces dépenses. Ainsi, les sommes dépensées sont remboursées à hauteur de 30% si les sommes dépensées sont inférieures à 100 millions d’euros. Elles sont remboursées à hauteur de 5% au-delà. Ainsi, Carmat a reçu 2,3 millions d’euros au titre du crédit d’impôt recherche en 2017[5].

3. Le financement après la recherche

Parfois, le développement d’un produit ne peut pas déboucher immédiatement sur la commercialisation. C’est le cas pour Carmat : un tel dispositif doit faire l’objet d’un essai clinique avant d’être implanté chez les malades. Pendant sa durée, l’entreprise n’a pas de revenu. Pour compenser cela, l’entreprise peut recourir à une technique juridique impliquant ses brevets : la licence. Elle consiste à permettre à une autre entreprise d’utiliser ses brevets, moyennant un paiement régulier. Par exemple, les principaux brevets de Carmat concernent notamment la création d’une matière qui ne provoque pas de caillots au contact du sang. En concédant des licences sur ce brevet, Carmat peut obtenir un revenu qui l’aidera à passer la phase d’essai clinique.

La France offre donc de nombreuses opportunités de financement pour une entreprise innovante. De ce fait, elle a été classée troisième pays le plus innovant du monde en 2016. Ce n’est pas un hasard qu’une entreprise comme Carmat ait pu y voir le jour.

[1] Par exemple, une banque peut demander à l’entrepreneur de se porter caution de sa société, ou d’hypothéquer sa maison en garantie des dettes.

[2] On peut les retrouver sous leur nom anglo-américain : fonds de private equity.

[3] Par exemple, les fonds de capital amorçage aident des entreprises très jeunes. Les fonds de capital développement financent des sociétés plus développées afin de les aider à atteindre une taille plus importante.

[4] On utilise souvent l’anglicisme IPO, Initial Public Offer.

[5] Résultats annuels 2017 de Carmat.