Entendons-nous bien : nous ne vivons pas aujourd’hui dans un monde où règne le libre échange. Les barrières au commerce international sont encore nombreuses. Commençons par définir ce qu’est le protectionnisme : il s’agit de mesures qui visent à protéger les producteurs et les consommateurs d’un pays des produits et services étrangers. Une telle politique peut reposer sur des droits de douanes, des restrictions quantitatives ( quotas d’importations ou d’exportations ) ou encore des barrières non tarifaires comme des normes sanitaires pour limiter l’entrée de produits et services étrangers qui ne respectent pas ces normes. On peut considérer que les manipulations sur les taux de change relèvent du protectionnisme. En effet, une dévaluation de la monnaie nationale permet aux produits exportés d’être moins chers, toutes choses égales par ailleurs ( le client étranger devra débourser moins de sa monnaie pour acquérir autant de la mienne et acheter le bien ou le service considéré, il paie donc moins ).

Quels sont donc les avantages attendus d’une politique protectionniste ? Il s’agit au fond de refuser la concurrence des pays étrangers qui semble dangereuse aux yeux d’un Etat car elle détruirait des emplois pour commencer. En effet, et ceci est d’autant plus vrais que les coûts de transports sont aujourd’hui faibles voire négligeables, si deux pays produisent les mêmes biens mais que l’un est plus compétitif que l’autre, alors la production sera assurée par le pays le plus compétitif et cessera dans l’autre ce qui signifie chômage, allocations à verser de la part de l’Etat ” perdant ” par exemple. Le protectionnisme apparaît donc comme une solution contre la concurrence étrangère afin de conserver des emplois. Cependant et de ce fait, le consommateur du pays qui pratique le protectionnisme paie ses biens et services plus chers ( il pourrait les obtenir moins cher via le producteur étranger ). Ceci engendre donc une perte de bien-être pour les consommateurs. C’est  ici que la question est délicate et qu’il faut effectuer un arbitrage ou un calcul : est-il plus intéressant de conserver des emplois ou d’assurer aux consommateurs des prix plus bas ? La réponse dépend du secteur considéré, de l’ampleur des mesures protectionnistes et de beaucoup d’autres considérations économiques, politiques, sociales ou environnementales.

En ce qui concerne les secteurs, il peut être vital d’en protéger certains dits stratégiques. Ainsi, l’agriculture est extrêmement protégée car il en va de la sécurité alimentaire des nations. Ouvrir ce secteur à la concurrence fait courir le risque d’être totalement dépendant de pays étrangers pour se nourrir ce qui est évidemment problématique. C’est une des raisons de l’existence de la Politique Agricole Commune ( PAC ) initiée en 1962. Ainsi, alors que l’Union Européenne vise à promouvoir le libre-échange, les droits de douane sur les produits agricoles s’élèvent à 20% ( alors qu’ils ne s’élèvent qu’à environ 3% pour les biens manufacturés ). Ceci est aussi vrai ailleurs qu’en Europe, en particulier aux Etats-Unis d’Amérique.

Revenons rapidement sur les dernières mesures de Trump en matière de protectionnisme. Ce dernier a imposé une taxe de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur les importations d’aluminium, dans le but de revitaliser ces industries aux Etats-Unis qui souffrent de la concurrence étrangère, en particulier chinoise. Ces mesures peuvent potentiellement contribuer à créer des emplois dans ces secteurs, mais elles vont aussi potentiellement augmenter les prix d’un certain nombre de biens pour le consommateur Etatsunien. Notons que ces secteurs sont en partie stratégiques car il s’agit de matières premières qui entrent dans la production d’armes et d’équipement militaire.  Là encore, je ne peux dire si le pays y gagnera.

En revanche, on peut critiquer une telle politique dans la mesure où elle vise à protéger des ” vieux ” secteurs industriels. En effet, en 2018, on peut vouloir protéger ou promouvoir des secteurs d’avenir (éventuellement à forte valeur ajoutée) ou l’éducation plutôt que l’extraction de matières premières. Le protectionnisme relève ainsi souvent d’une volonté de perpétuer le passé, ce qui n’est pas toujours une stratégie gagnante. Ce qui ne veut pas dire que l’ouverture totale des marchés intérieurs est une bonne chose, au contraire. Tous les pays qui se sont ouverts brutalement ont connu des graves crises, souvent sur ordres du FMI d’ailleurs. En revanche, les pays qui s’en sortent le mieux au niveau du commerce international se sont ouverts progressivement et ont toujours conservé des mesures protectionnistes. La Chine en est un bon exemple. La Chine a d’abord localisé son ouverture à des Zones Economiques Spéciales* dès 1978. La Chine est en ce sens hypocrite quand elle critique les mesures de Trump alors qu’elle pratique la même chose. Mais le fait est que cela a accompagné son développement rapide.

*Zone où les lois économiques sont plus libérales avec par exemple des droits de douanes réduits, des incitations fiscales ou un droit du travail moins contraignant afin d’attirer des investisseurs en partie étrangers et le gouvernement pratique toujours un certain nombre de mesures pour aider ses entreprises : subventions à l’exportation aux entreprises nationales, octroi de monopoles à des sociétés nationales ou encore sous-évaluation du yuan pour favoriser les exportations