La Relance Mauroy : chronique d’un échec inévitable

F. Mitterrand arrive au pouvoir en 1981 après avoir fait une campagne socialiste ” classique “. Il promet ainsi une hausse du pouvoir d’achat entre autres et ce avec l’aide de l’Etat. En effet, la crise économique touche durement la France et ses prédécesseurs n’ont pas réussi à endiguer l’inflation qui suivit les chocs pétroliers. La France vit alors une période de stagflation : la présence d’une inflation couplée à une absence ( ou à une faible ) croissance. De 1973 à 1983 l’inflation ( hausse générale des prix mesurée par l’évolution d’un panier de biens représentatif de la consommation dans un pays ) en France avoisine les 10% par an alors que la croissance fluctue autour de 3-4% avec une récession de 1% en 1975.

Comment s’est traduite cette relance ? L’Etat a embauché massivement des fonctionnaires ( 55 000 ), augmenté le SMIC de 10% et diverses allocations d’environ 25%. Au total, l’Etat injecte 10 Milliards de francs dans l’économie dans le but de relancer la consommation, donc l’emploi, donc la croissance. Ces mesures sont dites d’inspiration keynésiennes. En effet, selon Keynes, l’Etat en temps de crise majeure doit intervenir pour relancer l’économie par la dépense publique. Ceci induit deux effets.

En premier lieu, et c’est l’espoir des dirigeants politiques, cette dépense ( ou investissement ) public va générer une hausse du revenu par le biais du multiplicateur. En effet, le montant dépensé par l’Etat va être reçu par une entreprise ( ou un individu ) qui va dépenser une partie de ce revenu ( et en épargner une autre ) et ainsi de suite jusqu’à ce que les sommes perçues tendent vers 0. Ainsi chaque individu aura dépensé une certaine somme qui aura générer un supplément de production au niveau national en fin de compte.

En second lieu, et c’est aussi important au yeux de Keynes, il s’agit d’envoyer un signal vers les entreprises qui ont peur d’investir et qui ont peur de l’avenir. Il faut modifier leurs anticipations pessimistes pour qu’elles se remettent à investir et à embaucher car il ne faut pas l’oublier, ce sont avant tout les entreprises qui créent des emplois, distribuent des salaires, investissent et donc font la croissance.

Cependant, cette politique se heurte à plusieurs obstacles. Pour commencer, Keynes raisonne en économie fermée, c’est-à-dire qu’il fait abstraction des échanges avec les autres nations. C’est comme si le pays considéré était seul au monde en quelque sorte. Or la réalité du monde en 1981 est différente. Les échanges entre nations ( qu’ils soient commerciaux ou de capitaux ) croissent et ont une influence sur le niveau d’investissement d’un pays. Ainsi, une partie de la dépense engagée par l’Etat Français est sortie du territoire, la demande supplémentaire des consommateurs Français ayant été satisfaite par des entreprises étrangères, donc importée. De fait, le multiplicateur effectif est moindre que celui espéré. Le pays a donc buté sur la contrainte extérieure.

De plus, quand l’Etat Français mène sa politique de relance il est le seul à le faire en Europe car les autres Etats européens pratiquent des politiques économiques de rigueur ( les Etats-Unis sous Reagan pratiquent également une politique de rigueur ). De fait la demande étrangère, en baisse ou stagnante, n’a pas pu tirer la croissance française. Enfin, la compétitivité des entreprises françaises diminuait du fait de l’inflation et la hausse des salaires et les dévaluations successives n’y feront rien, d’autant que le France est engagée dans le Système Monétaire Européen, ce qui l’empêche de persister sans cette voie.

En conséquence, l’Etat français a été rappelé à la réalité et a dû faire comme ses voisins, d’où le tournant de la rigueur initié en 1983 avec entre autres la désindexation des salaires sur l’inflation ( donc perte de pouvoir d’achat des ménages ), la privatisation des entreprises nationalisées, la dérégulation des marchés financiers ou encore une limitation de la croissance de la masse monétaire pour limiter l’inflation.

Ce tournant marque une rupture avec la passé car il fait rentrer la France dans l’ordre économique  occidental de marché.