Classiquement, on distingue trois grands modèles de protection sociale dans les pays industrialisés.

  1. Le modèle Bismarckien, ou assurantiel

Système le plus ancien, introduit en Allemagne à la fin du 19ème siècle par le chancelier Otto von Bismarck, il se décline sous trois volets : protection contre les risques de maladie (1883), les accidents du travail (1884), la vieillesse et l’invalidité (1889). Le chancelier prussien mit en place ces mesures principalement pour des raisons politiques : en améliorant les conditions de vie du prolétariat ouvrier, il souhaitait limiter les ardeurs revendicatives de la classe ouvrière.

Plusieurs principes sous-tendent ce modèle :

  • Protection fondée uniquement sur le travail : les individus s’ouvrent des droits grâce à leur activité professionnelle ;
  • Protection obligatoire ;
  • Protection gérée par les salariés et les employeurs : mode de gestion décentralisé (caisses), et confié aux partenaires sociaux ;
  • Cotisations non proportionnelles aux risques – comme dans la logique assurantielle pure – mais aux salaires ;
  • Protection financée par la participation financière des ouvriers et des employeurs, sous la forme de cotisations sociales (fiscalité indirecte, ou parafiscalité).

En bref, il s’agit de régimes obligatoires d’assurance sociale fondés sur une affiliation professionnelle, garantissant un revenu de compensation en cas de perte de revenu liée à la réalisation d’un risque social. Ce système privilégie donc la logique assurantielle : les prestations sont versées aux individus qui se sont assurés contre certains risques sociaux.

  1. Le modèle beveridgien, ou assistanciel

En 1942, à la demande du gouvernement britannique, l’économiste William Beveridge (1879-1963) rédige un rapport sur le système d’assurance maladie. Le système beveridgien se fonde sur plusieurs principes (principalement la « règle des 3U ») :

  • Universalité : protection de toute la population (non liée à l’emploi, donc sans affiliation) et de tous les risques ;
  • Uniformité : droits équivalents, de même montant pour tous ;
  • Unité : une seule assurance nationale gérée par l’Etat, créée en 1948 ;
  • Financement basé sur l’impôt (fiscalité directe).

Ce système privilégie donc une logique assistancielle : les prestations sont versées aux individus qui en ont besoin.

Dans les faits, aucun pays européen ne correspond strictement à l’un ou à l’autre de ces modèles, mais chacun s’inspire majoritairement de l’un d’eux. Le Royaume-Uni et le Danemark privilégient le modèle beveridgien ; l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique plutôt le modèle bismarckien.

Quant à la France, elle occupe une position intermédiaire : fondement qui reste professionnelle, mais souci de généralisation et intervention importante de l’Etat. La protection sociale y est essentiellement financée par les cotisations sociales, mais aussi par l’impôt (CSG) et des contributions publiques de l’Etat (finançant notamment le RSA).

  1. Le système américain, d’inspiration libérale

Il s’agit d’un système mixte, combinant :

  • Assurance privée volontaire mettant en concurrence un grand nombre d’opérateurs ;
  • Mesures d’assistance destinées aux familles les plus démunies : programme Medicaid, financé par l’impôt, géré par les Etats ;
  • Système d’assurance maladie obligatoire de type bismarckien : programme Medicare protégeant les personnes âgées, financé par des cotisations sociales versées par les entreprises et leurs salariés.