Le terme « finance islamique » peut être perçu comme un oxymore à première vue, dans la mesure où la finance, la recherche de profit et tout ce que cela implique sont prohibés dans la religion musulmane.

Mais un certain nombre de compromis ont été faits, pour que puissent exister des banques ainsi que tout un système financier, dans le respect de la Sharia (la loi musulmane).

La finance islamique s’est intéressée ainsi aux comportements commerciaux, imposa le respect de certains principes de bases, qui découlent entre autres des grands principes islamiques de la justice, de l’équité, de la transparence et du consentement mutuel des contractants : ce sont ces principes qui fondent désormais les banques et assurances dites « islamique », ou plus généralement la finance islamique.

La finance islamique prône un juste milieu entre l’individualisme du capitalisme et le collectivisme du communisme.

Alors qu’il y a seulement quelques années ce secteur était encore méconnu de la finance mondiale, la finance islamique est en forte progression, et représente près de 1800 milliards de dollars d’actifs bancaires et financiers à l’hiver 2014.

Le ministère de l’économie annonçait fin 2008 des aménagements fiscaux pour favoriser les montages de finance islamique afin d’attirer des investisseurs du Moyen-Orient. Ces mesures concernent deux des principaux outils de la finance islamique : la « murabaha » et les « sukuks. »

La « murabaha » peut se définir comme un contrat de vente aux termes duquel un vendeur vend un actif à un « financier islamique » qui ensuite le revend à un investisseur moyennant un prix payable à terme.

Les « sukuks » et les produits financiers assimilés sont quant à eux des titres représentant pour leur titulaire un titre de créances ou un prêt dont la rémunération et le capital sont indexés sur la performance d’un ou plusieurs actifs par l’émetteur. Ces actifs sont affectés au paiement de la rémunération et au remboursement des sukuks ou des produits assimilés.

LES INTERDICTIONS

Interdiction du « Riba »

Dans le droit musulman, le terme « Riba » désigne tout avantage ou surplus perçu par l’un des contractants sans aucune contrepartie acceptable et légitime du point de vue de la Sharia. Le Riba a deux formes principales :

1) Riba-Al-fadl : il s’agit ici de tout surplus concret perçu lors d’un échange direct entre deux choses de même nature qui se vendent au poids ou à la mesure.

2) Riba-Annassia : c’est le surplus perçu lors de l’acquittement d’un dû, dont le paiement a été posé comme condition de façon explicite ou implicite dans le contrat, en raison du délai accordé pour le règlement différé. Riba-Annassia  est celui qui est le plus répandu dans la société, à travers les crédits, des prêts et des placements proposés par les établissements bancaires et les organismes de financement traditionnels.

Ce qui différencie le Riba dans ses deux formes de la vente d’un bien ou d’un service, est que la contrepartie perçue n’est considérée comme acceptable dans le droit musulman, seulement si elle vise à compenser quelque chose de légitime, comme par exemple la perte de valeur liée à l’usage d’un bien (dans le cas de la location d’un bien), l’effort fourni pour la réalisation d’un objet (dans le cas de la vente d’un bien produit par le vendeur), ou le travail accompli pour l’obtention d’un bien matériel et le risque engagé dans sa prise en charge (dans le cas de la vente d’une marchandise achetée à autrui).

Interdiction des investissements illicites

La Sharia exige également que tout musulman ne peut traiter des biens jugés illicites ou « Haram » (interdit, en arabe). En effet, il existe des exigences quant à la nature de l’activité dans laquelle un investissement demeure conforme aux impératifs moraux et religieux dictés par l’islam.

On retrouve également ce principe d’exclusion dans la finance éthique en faveur du développement durable et dans l’investissement socialement responsable.

Du point de vue financier, les sous-jacents de tout type de contrats doivent également être conformes à la Sharia. Typiquement, dans le cadre d’une prise de participation sous la forme d’actions, un certain nombre de secteurs dont les activités sont considérées comme illicites sont à exclure de l’univers d’investissement.

Secteurs d’investissements illicites :

– L’industrie du tabac
– La pornographie, et l’érotisme de manière générale
– L’industrie de l’alcool et du vin, et bien sûr les drogues
– L’industrie des jeux de hasard
– L’industrie porcine et de l’alimentaire non licite
– L’industrie de l’armement (exception faites pour les Etats)
– L’industrie bancaire (excepté l’industrie bancaire islamique)
– L’industrie de l’assurance (à l’exception de l’industrie « Takafoul » : assurance mutuelle islamique)
– L’industrie du divertissement (excepté celle qui promeut les bonnes mœurs. À noter qu’en Islam, le « divertissement licite », sans que cela soit au dépend des obligations religieuses est autorisé)

En islam, on ne peut tout simplement ni vendre ni acheter l’illicite.

Le Gharar

Ce terme signifie l’incertitude. Dans la religion musulmane, cela désigne toute vente à caractère aléatoire ou possédant un élément imprécis, ambigu, vague, incertain, caché ou dépendant d’autre événement, mais également relatif notamment à l’objet de la vente, au prix ou au délai de livraison.

La vente dite « Gharar » est donc celle où il y a incertitude quant à l’objet, sa quantité ou s’il sera possible de livrer ou non. Le « gharar » est considéré comme « normal » dans une transaction s’il n’est pas excessif et si son impact sur l’économie ou la société est minime.

C’est le cas notamment lorsque la vente porte sur une marchandise qui n’est pas déterminée de façon précise, lorsque la transaction est conclue sans que le prix de la marchandise ne soit fixé de façon claire, quand la transaction porte sur une marchandise déterminée que le vendeur ne possède pas encore, ou encore lorsque le transfert de propriété est conditionné à un évènement hasardeux.

Les futures, les swaps ou les autres produits financiers plus complexes comme les subprimes sont des exemples de transactions à terme caractérisées par une incertitude évidente quant à leur réalisation.

Le Maysir

Le Maysir désigne en économie toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d’un événement aléatoire. Etymologiquement le Maysir était en fait un jeu de hasard. De ce fait, tous les termes fondamentaux, tels que l’objet, le prix, les délais d’exécution et l’identité des parties, doivent être clairement définis au moment de la signature de chaque contrat.

Ceci différencie clairement les banques islamiques des institutions de prêt à intérêt, basée sur le principe que l’on peut acheter sans payer et vendre sans détenir, ce qui alimente constamment la spéculation et porte préjudice à la stabilité du système bancaire !

La Sharia autorise cependant le risque calculé d’un investissement, mais l’interdiction des contrats à terme impliquant le Gharar et le Maysir vient du fait que le risque de fausse anticipation d’évolution des marchés pourrait remettre en cause la réalisation de transactions basées sur l’incertitude, la spéculation, ou même la détention délictuelle d’une information privilégiée. Les juristes musulmans justifient également la prohibition de ces transactions par la nécessité d’orienter les fonds disponibles au financement de l’économie réelle, pour ne pas les laisser alimenter les bulles financières vides de toute productivité et de richesse utile.

L’ « Asset Backing »

Selon la Sharia, pour être valide, toute transaction financière doit être sous-entendue par un actif. La tangibilité de l’actif signifie que toute opération doit être obligatoirement adossée à un actif tangible, réel, matériel et surtout détenu.

Cela permet de renforcer le potentiel en termes de stabilité et de maîtrise des risques. De plus, l’Asset Backing rassure également quant aux problématiques de déconnexion de la sphère financière à la sphère réelle.

Le principe de la tangibilité des actifs est également une manière pour la finance islamique de participer au développement de l’économie réelle par la création d’activité économique dans les autres domaines.

Le principe des « 3P » : Partage de Profits et de Pertes

La finance islamique a mis en place un système basé sur le partage des pertes et des profits, appelé le principe des « 3P », à partir des contrats de participations, ce qui peut expliquer pourquoi elle est souvent qualifiée de « participative ». Ce système permet d’associer le capital financier au capital humain, et exige que la participation doit être fixée dans une proportion et non par un bénéfice à la signature du contrat.

Dit de manière plus concrète, un investisseur doit confier ses fonds à un entrepreneur avec qui il partagera les bénéfices en fonction de la performance de l’actif sous-jacent, il devra également partager toute perte éventuelle avec cet entrepreneur si celle-ci n’est pas due à une négligence ou une faute grave de ce dernier. De ce fait, tout client d’une banque islamique a presque le statut d’actionnaire dans les investissements liés à ses contrats et son revenu prend la forme de dividende !

C’est dans ce sens que la finance islamique est considérée comme étant liée au capital-risque et au private equity.