« The Number one rule of Wall Street. Nobody… and I don’t care if you’re Warren Buffet or if you’re Jimmy Buffet. Nobody knows if a stock is gonna go up, down, sideways or in fucking circles. Least of all, stockbrokers, right? », The Wolf of Wall Street.

Ce qui caractérise le marché c’est son imprévisibilité. Malgré toute la technologie et les algorithmes mis en place ces dernières années réduisant l’incertitude, il n’est pas possible de prévoir à 100% les mouvements du marché, ni l’effet qu’aura un événement sur ce dernier. C’est à l’impact de ces évènements hautement improbable sur le marché boursier et plus largement sur la société que s’est intéressé Nicolas Taleb dans sa théorie « The Black Swan »

La valeur d’un actif varie selon les offres d’achat et de vente passées par les traders et dont il fait l’objet. Or, cette composante est hautement sensible aux nouvelles qui tombent durant la journée. Les traders vont réagir de manière instantanée, en anticipation de la réaction des autres agents à cet événement et c’est ça qui provoque la volatilité d’un marché ou d’une action.  Ainsi, en tentant de prévoir l’imprévisible, les traders vont prendre des positions qui vont faire varier la valeur de l’actif. C’est d’autant plus vrai lorsque l’événement est majeur comme un attentat, ou l’élection d’un nouveau président.

Mais ceci est la réaction une fois l’événement passé. En s’intéressant de manière plus générale au déroulé de l’événement, il semble que lorsqu’un événement survient durant les heures d’ouverture du marché, celui-ci réagit plus fortement et l’absorption de l’événement par le marché se ressent dans la différence de prix entre l’ouverture et la fermeture, beaucoup plus que s’il survient la nuit. Les rendements overnight (achat à la fermeture du marché et revente à l’ouverture) de la nuit considérée n’explosent pas comme cela aurait été le cas s’il était survenu le jour. Par exemple, si on regarde le CAC 40 le jour de l’élection de Donald Trump, le rendement overnight est de -0,14% alors que le rendement day du jour suivant est de 0,5%.

Ce qui se passe est que les rendements day (achat à l’ouverture du marché et revente à la fermeture) sont beaucoup plus sensibles à ce que Nicholas Taleb appelle « Black Swan » dans son livre The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable. Dans son livre, Nicholas Taleb explique le concept de Black Swan comme étant un événement hautement improbable, tellement improbable que personne ne pense qu’il puisse arriver, mais qui pourtant à un impact énorme sur le domaine touché, ici la finance. Ancien trader, Nicholas Taleb applique sa théorie aux marchés financiers en proposant une vision de long terme de ceux-ci, car à court terme ils sont hautement sensibles à ces Cygnes Noirs.  Ces évènements peuvent être de nature totalement diverse : une faillite d’une grande banque, une crise pétrolière, une guerre. Mais ils ont pour point commun de ne pas avoir été pris en compte par les agents et en particulier par les analystes établissant les stratégies. La seule explication qu’ils essayent d’en donner arrive a posteriori, ce qui fausse considérablement l’analyse. Pour cette première approche, seuls les effets à court terme vont nous intéresser.

Pour comprendre, il explique qu’il existe deux mondes : le mediocristan et l’extremistan. Dans le premier, qu’il qualifie de normalisé (c’est à dire un monde où se réalise parfaitement la courbe de Gauss (comme la taille des individus, un individu de 2m ne changera pas l’allure de la courbe dans un ensemble de 100 000 individus), ces évènements improbables n’ont qu’un faible impact alors que dans le second ces évènements sont légion. Les marchés financiers sont un extremistan. Et plus spécifiquement, peut être pouvons-nous étendre sa théorie aux rendements financiers : les rendements intraday seraient une partie d’un extremistan, alors que les rendements overnight seraient plus stables et seraient une partie d’un mediocristan.

Par exemple, intéressons aux rendements du Dow Jones du 15 au 18 Septembre 2007 :

                                                                 Overnight       Intraday

15/09 -0,049% -4,370%
16/09 -0,109% 1,407%
17/09 -0,022% -4,042%

On remarque bien que les rendements overnight absorbent mieux l’évènement, alors que les intraday sont beaucoup plus forts. Le comportement des acteurs semble donc prendre en compte le temps passé depuis l’événement et surtout ne pas passer une masse importante d’ordre à l’ouverture du marché, malgré le choc de la veille. Le Black Swan apparaît donc comme un événement déstabilisateur certes, mais seulement pour les rendements intraday, même quand l’événement se passe durant la clôture des marchés, comme pour le CAC40 pour qui les rendements sont :

15/09 -0,372% -3,419%
16/09 -0,270% -1,691%
17/09 -3,81% 1,763%

On remarque que le schéma est le même que pour le Dow Jones à l’unique différence qu’un évènement survenu aux USA le 16/09 a été suffisamment important pour impacter les deux marchés.

L’analyse de Nicolas Taleb se poursuit dans le sens d’une imprévisibilité des marchés financiers sur le court terme et le long terme car, plus le temps avance, plus les Black Swan sont invisibles à nos yeux et nous n’en tenons pas compte.

Ainsi, dans la suite de son analyse, Nicolas Taleb explique que plutôt qu’essayer de prévoir les mouvements du marché directement, sans prendre de recul, il vaut mieux analyser les évènements autour en essayant d’anticiper les Cygnes Noirs pour en tirer le plus profit (qui dit événement majeur imprévisible dit gains potentiels exponentiels comme ces traders ayant fait fortune lors de la Crise de 2008) tout en sécurisant son portefeuille.

sourceThe Black Swan: The Impact of the Highly Improbable, Nicolas Taleb